Bon, hé bien, dans le même esprit que
la précédente, Mark l'ancien est de retour. Dans un ton
plus nostalgique et doux-amère que la dernière fois.
Enjoy!
Disclaimer : Fire Emblem : Fuuin no Tsurugi et ses personnages sont
la propriété de Nintendo et d'Intelligent Systems.
Crédits à Ace pour ses corrections. Merci mille fois!
Dernières notes
par Saeclum
«...Et alors
nous lâcherons les colombes! Des tas de colombes! Quoi de mieux
que ces oiseaux pour un mariage? Messire Mark?»
J'arrachai à regret mon regard du paysage qui s'offrait à
mes yeux, et me retournai pour répondre à Merlinus: «Oui...
Oui, ce sera parfait»
L'intendant rondouillard se gargarisa volontiers de mes paroles, comme
à son habitude lorsque qu'on approuvait ses idées.
Je laissai mes pensées vagabonder alors qu'il reprenait ses litanies,
égrenées depuis ce matin et qui devait rendre fous tous
les domestiques de Pherae.
«Nous avons réussi un vrai tour de force: les têtes
couronnées d'Etruria et de Biran qui assistent au mariage de
notre prince? Et des nobles venus de tout le continent? Et le chef de
l'Eglise qui célèbre le mariage? Je vous le jure, mon
cher Mark, on s'en souviendra des générations durant!»
«C'est bien, répondit-je mollement, c'est très bien»
J'étais
incapable de rester concentrer sur les explosions de joie de mon corpulent
compagnon malgré la joie que j'éprouvais pour mes deux
jeunes protégés. Bien qu'en cette journée d'été,
le soleil brillait, je ne pouvais m'empêcher de me sentir froid.
Froid et vide. Quelque chose manquait. Pourtant, tout allait bien? La
guerre avec Biran n'était qu'un souvenir douloureux, les armées
étaient dissoutes, Lilina avait accepté la demande en
mariage de Roy, au grand bonheur de ce dernier et de son père,
et j'avais rempli le but de ma vie. J'avais arrêté l'étoile
de la guerre prédite par Athos, plus de quinze ans auparavant!
Le calme était enfin revenu sur Elibe...
«Qui l'aurait cru? Notre petit prince Roy et Dame Lilina, mariés
?»
Tous ceux qui avaient des yeux, mon cher, et qui les levaient de leurs
carnets de compte un tant soit peu! Je retins cette réplique
peu diplomatique, mais juste. La moitié de l'armée, des
blanc becs fiers à bras aux hommes mûrs avaient surpris
les regards de flétran crevés qu'ils se lançaient
à tout bout de champs, les soins et les inquiétudes qu'ils
avaient pour l'autre, jamais prononcés, mais toujours visibles,
en évidence sur leurs jeunes visages !
J'avais eu fort à faire pour maintenir la discipline, menaçant
mes troupes des pires punitions si un seul osait faire un commentaire
à voix haute, et encore plus à faire pour ne pas les laisser
seuls trop longtemps, ou les empêcher de se retrouver à
la nuit tombée. Je n'aurais pas pu affronter mes rêves
d'Hector en paix sans protéger sa fille comme il aurait dû
le faire si je ne lui avait pas failli.
«Messire
Mark? Vous allez bien?» Le petit homme me regardait d'un air inquiet.
Je pris conscience que, appuyé contre un mur du couloir du château
ou il m'avait débusqué, j'arborais un petit sourire, les
yeux perdus dans l'immensité de la fenêtre qui me faisait
face de l'autre coté de l'étroit couloir.
«Oui... Oui, je vais bien. Un peu déboussolé par
ces évènements, mais bien...»
«Ah, mais qui ne le serait pas? Les enfants grandissent, et se
marient, et les vieilles reliques comme nous ne peuvent que les regarder
faire leur balluchon et partir» répondit-il d'un ton gai.
«Je... Je suppose...»
Il me regarda sous le nez avant de parler.
«Surveillez votre santé, Mark. Après tout, il serait
dommage de tomber malade le jour du mariage du prince! Voulez vous vous
reposer? Je demanderais à Betty de vous apporter un cordial?»
Aaargh.
«Non, merci, Merlinus. J'ai besoin d'air, et d'espace.»
-Je comprends, Mark.»
Il me jeta un dernier regard, avant de repartir vaquer à ses
occupations.
Pauvre Merlinus, il ne méritait sans doute pas cette froideur,
en homme simple et dévoué à la maison Pherae qu'il
était, mais j'étais incapable de ressentir la moindre
joie. J'avais au moins raison sur un point, j'avais besoin d'air.
Le château de Pherae grouillait d'activité: Badauds, charretiers,
camelots, amuseurs publics, tout le monde se préparait à
la fête. Même les soldats de faction n'avaient pas cet air
résigné que l'on voit d'habitude dans les yeux du malchanceux
condamné à surveiller une porte, mais un regard joyeux.
Alors que je marchai dans la cour, je ressentais l'excitation ambiante.
La guerre n'était pas finie depuis longtemps, et une fête
est toujours une occasion d'oublier les amis perdus, et un moment où
les blessures ne servent qu’à épater les filles.
Mes
pas m'entraînèrent jusqu'au bourg de Pherae, lui aussi
encombré et festif. Partout où se posait mon regard, je
voyais la joie et la gaieté : des enfants jouaient au milieu
des charrettes pleines qui montaient au château, l'air vibrait
de cris, d'exclamations, de jurons. Pour un peu, on aurait pu penser
que ç'avait toujours été ainsi, que jamais ces
jeunes qui passait bras dessous bras dessous n'avait été
à la guerre, que jamais ce jeune couple enlacé n'avait
été séparé...
Non. Les signes ne trompaient pas. Trop d'armes plantées devant
les maisons, trop de femmes et d'enfants vêtus en noir, qui, comme
moi, paraissaient étrangers à la fête. Et chaque
fois que je croisais leur regard, ou qu'une petite tunique noire passait
devant moi, je me demandais : Est-ce de ma faute? Eux ne me reconnaissaient
pas.
Après tout, étais-je autre chose qu'un homme vieillissant
et couturé de cicatrice, engoncé dans une cape brune rapiécée?
Je m'assis sur une pierre, arrivé aux limites du bourg, où
l'ambiance était plus calme, plus studieuse.
Un soleil déjà orange teignait la campagne, et un fort
vent atténuait la chaleur de ce jour d'été. Une
journée comme j'en avait trop peu vus, ou alors, trop peu pris
le temps de les voir...
La nuit était tombée, mais le calme ne régnait
pas encore sur le château. De tous cotés, des rires, des
chants, des exclamations se faisaient entendre, alors que je marchais
sur le chemin de ronde désert. Les fenêtres de la grande
salle toute illuminée brillaient dans la nuit, telles des témoins
de la félicité de cette soirée.
J'avais assisté de loin à la messe, et vu le jeune prince
embrasser sa promise sous un tonnerre de cris de joie, et comme dans
un rêve éthéré, vu passer le festin, sans
manger beaucoup, loin des regards de la foule. Et, à la première
occasion, je m'étais éclipsé. Ma tâche était
finie. Plus rien ne restait à dire et à faire.
Assit au premier étage, sur un des balcons de la grande salle,
j'avais vu tous ceux qui composaient ma vie: les chevaliers de Pherae,
leurs chefs, le capitaine Marcus, le chevalier Wolt près de sa
mère. Je n'avais pas revu Rebecca, et je savais qu'elle ne voudrait
pas me revoir.
Son époux avait trouvé la mort sous mes ordres, et je
n'étais pas prêt à faire face à ça.
La famille de Reglay, le vieux Lord Pent, son épouse, ses enfants
et son plus brillant disciple, Erk, adouci après un mariage chanceux
avec la petite Cornwell, les derniers Kutolah, en deuil de leur chef
et de son épouse, le Loup d'argent à leur tête,
les quelques survivants de la chevalerie Lycienne, quelques gardes royaux
de Biran, autour de leur reine, la mine mal à l'aise, Fir, dansant
avec de jolis garçons sous les regards attendris , mais vigilants
de son père et de son oncle, assis ensemble sur un banc mural
en train de vider une chope...et d'autres, que je reconnaissais tous,
les enfants de Nino et leur cousin Hugh, et Harken, et Kent, trop nombreux
pour être cités.
Tout ceux qui formaient la lumière d'hier et d'aujourd'hui se
trouvaient là, à faire la fête. Ils deviendraient
l'objet de légendes, de l'Histoire même! J'y avais veillé.
Avec un dernier soupir, je regardai la salle une autre fois. Mon regard
accrocha celui de Karel, et, gravement, noblement, il me fit un signe
de tête, auquel je répondis. Je me retournai d'un mouvement,
et je m'en fus dehors.
Le château était désert, tout le monde étant
occupé à faire la fête, et c'est sans voir une âme
que j'arrivais à la crypte. Il me restait encore quelques personnes
à saluer, et l'une d'entre elles dormait là.
Arrivé devant la stèle, je m’agenouillai.
«Bonsoir, Ninian, dit-je d'une voix de trémolo. Je... Je
me suis occupé de ton fils. Tout va bien. Son père sera
là pour le guider. La menace vue par le vieux sage est conjurée.
Ton fils avait l'air radieux dans son pourpoint noir. Tout le portrait
de son père, et Lilina était magnifique aussi. Lui...
Il... Il compte lui remettre son titre à la fin de la soirée.
Eliwood renonce à Pherae. Il guidera votre enfant, mais bientôt,
ce sera Roy, le marquis. Je crois qu'Eliwood veut juste du calme et
du confort. La maladie l'a miné, et il pense à...»
Ma voix se brisa.
«Il sait qu'il te rejoindra bientôt. Je crois même
qu'il n'y voit plus de problème. Il sait que Roy sera là
pour ses gens.»
Je fermai les yeux une seconde.
«Il est temps pour moi de partir. Je représente la guerre,
un temps qu'il ne veulent plus. Ils ne le disent pas, ne le pensent
même pas, mais ma présence les gêne. Adieu, Ninian.
Veille sur ton fils...»
Il
me restait une autre visite à faire, moins directe, car sa tombe
était avec son père et son frère, mais une statue
aussi réaliste que celle qu'Eliwood avait fait sculpter d'Hector
suffirait.
Le colosse attendait dans le jardin, le regard fier, une hache énorme
à la main.
Approchant d'un pas peu sûr, incapable de croiser son regard fier,
j'esquissai un petit salut.
«Eh. Hector. Je crois que c'est la fin de la route, là.
J'ai protégé ta fille en ton nom, et j'ai fait mon devoir.»
Sans doute était-ce un caprice de la lumière des flambeaux
qui éclairaient le jardin, et de l'alcool fin que j'avais ingurgité,
mais je crûs déceler un sourire sur les lèvres de
pierre.
«Je... Je ne pourrais jamais me pardonner de t'avoir déçu.
Toute ma vie, je me suis préparé à vous aider,
Eliwood et toi, et je suis arrivé après le début
du spectacle. Même si tu me pardonnais un jour, moi, je ne pourrais
pas. Remarque, j'ai mon châtiment. Je n'ai ni femme, ni enfant,
ni personne pour perpétuer ma mémoire et mon nom. Je ne
suis jamais rentré chez moi, tu sais? Il ne doit rester que des
ruines de la maison de mes parents. Peut-être pourrais-je voir
ce que je pourrais faire là bas... Au revoir, Hector. Nous nous
reverrons un jour.»
Après un dernier salut, je pris la direction des écuries,
traversant un château vide et silencieux, à l'exception
des bruits étouffés de la grande salle.
Aux écuries, le vieux Pie m'attendait, tranquillement en train
de manger de l'avoine.
Je posa une main affectueuse sur sa croupe en lui disant:
«Alors, vieux pirate, tu as apprécié d'être
revenu chez toi?»
Eliwood m'avait en effet offert cette superbe bête qui m'avais
servie loyalement et par tous les temps depuis dix-sept ans.
«Enfin bon, toute bonne chose a une fin, alors on va y aller,
hein? Où ça tu demandes?»
J'avais passé trop de temps avec le vieux cheval pour ne pas
lui reconnaître une âme, et une intelligence propre.
«Hé bien... Nulle part et partout! Nous sommes libre, Pie!
Que dirais-tu de voir un autre automne dans les Îles?» lui
dit-je en le sellant.
Je le sortis dans la cour en le tenant par la bride, et monta en selle
avec ce qu'il me restait de souplesse. Un petit coup de talon, et le
vieux briscard se mit en marche.
Et c'est ainsi que nous nous en allâmes dans la nuit.
|